Une brève analyse des cinq agrégats

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Gyalse Shenpen Thaye

Gyalsé Shenpen Thayé

Une brève analyse des cinq agrégats

par Gyalsé Shenpen Thayé

1. Les cinq agrégats

« Forme » fait référence à ce qui peut prendre forme. La « sensation » est définie comme l’expérience sensible. La « perception » est la caractérisation des objets. Les « facteurs de composition » sont définis comme des processus composés. La « conscience » se définit comme ce qui connaît les objets.

1.1. La forme

Le visible, perçu via la cognition visuelle, se divise en deux : la forme et la couleur. La première se décline en huit variantes : longue et étroite, grande et courte, rectangulaire et arrondie, égale et inégale. La seconde se divise quant à elle en couleurs primaires et en tons secondaires. Les quatre couleurs primaires sont le bleu, le jaune, le blanc et le rouge. Quant aux huit tons secondaires, les voici : nuageux, enfumé, poussiéreux, brumeux, clair, sombre, ensoleillé et ombragé. Au total, la forme visuelle comprend donc vingt subdivisions.

Les sons, entendus par l’intermédiaire de la cognition auditive, se divisent comme suit. Il y a les sons naturels et artificiels, et ces deux catégories comprennent chacune des sons porteurs de sens et d’autres qui ne le sont pas, ce qui donne quatre subdivisions. On peut encore affiner le classement selon qu’ils sont plaisants ou non, ce qui donne un total de huit subdivisions.

Les odeurs, détectées par la cognition olfactive, sont de deux sortes : plaisantes et déplaisantes. Comme on peut encore les classer selon qu’elles sont uniformes ou inégales, ou naturelles ou artificielles, on compte quatre subdivisions.

Les saveurs, goûtées par l’entremise de la cognition gustative, sont de six sortes : sucrée, aigre, amère, astringente, épicée et salée.

Les sensations tangibles, dont on fait l’expérience via la cognition corporelle, incluent les quatre [sensations élémentaires] correspondant à la terre, à l’eau, au feu et à l’air. De plus, il y a les sensations de légèreté et de lourdeur, de faim et de soif, de douceur et de rugosité, de même que la sensation de froid, pour un total de onze subdivisions.

Les cinq facultés sensorielles sont divisées selon qu’elles [sont opérationnelles et qu’elles] supportent la cognition ou [inactives et simplement] stimulantes.

Au total, il y a onze grandes catégories de formes résultantes : les cinq types d’objets sensoriels, les cinq facultés et les formes imperceptibles.

Ce sont là les divisions de l’agrégat de la forme.

1.2. La sensation

L’agrégat des sensations peut se diviser en trois (plaisantes, douloureuses et neutres) ou en six (en fonction des sens). En les combinant, on obtient un total de dix-huit catégories. Si on les divise encore selon leur fonction (selon qu’elles sont à éliminer ou qu’elles servent d’antidote), on arrive à trente-six. Et si on les catégorise au regard des trois temps, on obtient cent huit cas de figure.

1.3. La perception

L’agrégat des perceptions se décline en trois : les perceptions vastes, les perceptions limitées, et les perceptions intermédiaires. On peut aussi distinguer deux ensembles : les perceptions identificatoires et celles qui ne le sont pas. En outre, on en compte six sortes apparentées aux sens.

1.4. Les facteurs de composition[1]

L’agrégat des facteurs de composition inclut les cinquante et un types de fonctions mentales, moins la sensation et la perception, ce qui donne quarante-neuf. Il y a les cinq facteurs mentaux omniprésents[2], les cinq facteurs mentaux déterminants, les onze facteurs vertueux, les six émotions perturbatrices de base, les vingt passions secondaires, et quatre fonctions variables. [Plus précisément], il est dit :

Sensation, perception, attention, contact et volition :
Voilà les cinq facteurs mentaux omniprésents.
Intention, intérêt, présence[3], concentration et discernement :
Ce sont les cinq facteurs mentaux déterminants.
La foi, la conscience méticuleuse, la souplesse,
L’équanimité, la vigilance, la dignité,
L’absence d’attachement, d’agression et de confusion,
Et la diligence enthousiaste constituent les onze vertus[4].
Le désir, l’animosité, l’orgueil,
L’ignorance, le doute et les croyances erronées
Sont les six afflictions principales.
La rage, le ressentiment, la dissimulation, la méchanceté,
La jalousie, l’avarice, la tromperie, la prétention, la vanité,
La violence, l’absence de moralité, le manque de gêne,
La torpeur, l’agitation, le manque de foi,
La paresse, le manque de vigilance, la mémoire déréglée[5],
La distraction et l’inattention
Sont les vingt facteurs perturbateurs secondaires.
Le sommeil, le regret, le raisonnement [général] et l’examen [minutieux][6]
Sont les quatre facteurs variables.

1.5. La conscience

L’agrégat de la conscience comprend les huit ou six sortes de consciences.

Ce sont là les cinq agrégats.

2. Les douze sources

Les six allant de la source de l’œil à la source du mental, et les six allant de la source des formes visibles jusqu’à la source des objets mentaux constituent les douze āyatana.

3. Les dix-huit éléments

Les six allant de l’élément de l’œil à celui du mental, les six allant de l’élément des formes visibles à celui des objets mentaux, et les six allant de la conscience visuelle à la conscience mentale, constituent les dix-huit dhātu.

Tout ce qui précède est conditionné. Les trois dharmas inconditionnés sont la cessation analytique, la cessation non analytique et l’espace incomposé. On peut aussi inclure ces derniers dans l’élément des objets mentaux.

Ces sont là les phénomènes de base qu’on doit comprendre, ou les phénomènes du saṃsāra.

Par Shenpen.


| Traduit par Vincent Thibault (2023) sur la base de la version anglaise d’Adam Pearcey (2019).


Bibliographie

Édition tibétaine

gzhan phan mtha' yas. « phung lnga'i rab dbye bsdus pa » dans gsung 'bum/ gzhan phan mtha' yas. 2 vols. Lhasa : bod ljongs bod yig dpe rnying dpe skrun khang. 2011. Vol. 1 : 96–98.

Références consultées

Cornu, Philippe, Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme (notamment les articles « agrégats », « formes », « formations karmiques » et les différentes entrées commençant par « facteurs »), Paris : Éditions du Seuil, 2001.

Dharmapédia.fr, notamment tout ce qui découle de l’article « Les cinquante-et-un facteurs mentaux » (consulté le 9 mai 2023).

Mipham Rinpoche, Gateway to Knowledge, volume 1 (Hong Kong: Rangjung Yeshe Publications, 2013), pp. 16–35.


Version : 1.0-20230512



  1. Parfois appelés « formations karmiques », « formations volitionnelles » ou « forces concrétisantes ».  ↩

  2. Cinq, quand on compte la sensation et la perception, qui sont des agrégats.  ↩

  3. Ou « mémoire » (smṛti en sanskrit, ou dran pa en tibétain). C’est souvent ce terme qu’on traduit de façon plus ou moins heureuse par « pleine conscience ». Dans certains contextes, on parlera plutôt d’attention, mais comme ce mot peut aussi faire référence à l’un des cinq facteurs mentaux omniprésents, nous avons ici opté pour « présence ». Les termes smṛti et dran pa évoquent le souvenir, ou la capacité de se rappeler (la qualité d’un objet).  ↩

  4. Seulement dix vertus sont listées ici ; on semble avoir omis la non-violence (avihiṃsā en sanskrit, rnam par mi ‘tshe ba en tibétain.  ↩

  5. Une coquille semble s’être glissée dans le texte tibétain : nous avons lu brjed ngas plutôt que rjes nges.  ↩

  6. rtog pa et dpyod pa : le premier terme fait référence à une opération mentale ou à une réflexion assez générale saisissant le sens grossier ou global d’un objet ; le second implique une analyse plus fine, plus détaillée.  ↩

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