Éloge de Khen Rinpoché Kunpal

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Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Khenpo Kunzang Palden

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Offrande de fleurs en souvenir de l’immense bonté du maître

Éloge du bienveillant enseignant, Khen Rinpoché Kunpal

par Jamyang Khyentsé Chökyi Lodrö

Hommage au maître et au protecteur Mañjughoṣa !

Tu as d’entrée de jeu atteint un kaya totalement paisible ;
Pourtant, par amour pour les gens de notre époque,
Tu es apparu sous la forme d’un guide du véhicule suprême.
Ô guru sans pareil, merveilleux khenpo, je chante tes louanges !

Auparavant, tu t’étais manifesté maintes fois
En tant que maître érudit et accompli.
Puis, tu es né en l’an du Singe d’Eau[1] sur les rives de la Dachu[2] au Kham,
Et tu as actualisé ton potentiel sublime. Je chante tes louanges !

Jigmé Chökyi Wangpo t’a accueilli et guidé.
Il a pris soin de toi comme de son propre fils et t’as instruit
Dans toutes les formes de conduites à adopter et à éviter.
Lune fraîche, héritier des vainqueurs : je chante tes louanges !

Tu as facilement maîtrisé la lecture, l’écriture et la grammaire.
Tu récitais chaque jour des textes de pratique, des éloges,
Des chants, des chapitres à la portée de l’oreille divine
Du grand bodhisattva, qui s’en réjouissait. Je chante tes louanges !

Tu as offert au saṅgha une explication exceptionnelle
De la prière d’aspiration à accéder au royaume de grande félicité,
Pour l’émerveillement et la plus grande joie des sages.
À toi qui fus encouragé par le guru et guide suprême, j’offre des louanges !

Du grand bodhisattva, qui n’était autre que Śāntideva en personne,
Tu as six mois durant[3] reçu des instructions sur le Bodhicaryāvatāra
Et pris des notes remarquables sur ses excellents enseignements,
Si vastes et profonds. Je chante tes louanges !

Auprès de Yönten Gyatso, un bodhisattva sur la dixième bhūmi,
Tu as pris l’ordination et endossé l’emblème safran de la victoire.
Tu as orné les enseignements du Sage avec ta discipline océanique
Exempte de la moindre transgression naturelle ou proscrite. Je chante tes louanges !

Auprès de Tenzin Norbou, le roi des érudits,
Tu as étudié maints ouvrages du véhicule des caractéristiques,
Éliminé les méprises par l’étude et la contemplation,
Et accédé au palais royal de l’érudition. Je chante tes louanges !

De Jamyang Khyentsé Wangpo, Chökyi Dorjé,
Tenpai Nyima, Déchen Dorjé, celui qu’on appelle Péma[4],
Et d’autres encore, tu as reçu initiations et instructions,
Spécialement celles de l’Essence du cœur. Je chante tes louanges !

Du seigneur des siddhas, Chakong[5] – une émanation de Düdul –,
Tu as reçus des initiations et instructions
Axées notamment sur ses propres trésors et sur le Dzogchen.
Ta réalisation s’est amplifiée et tu as reçu des prophéties limpides. Je chante tes louanges !

Tu t’en es remis tout particulièrement à Jamyang Mipham Choklé Namgyal,
Avec qui tu avais un lien bien spécial depuis des vies antérieures.
Il t’a enseigné les points profonds et délicats de la Voie médiane et du Pramāṇa,
Et tu es devenu son suprême fils de cœur. Je chante tes louanges !

Au centre dharmique de Katok Dorjé Den,
L’équivalent du Magadha au pays des Āryas,
Tu as senti indéniablement que tu avais été
Śākya Dorjé dans une vie antérieure. Je chante tes louanges !

De Situ Paṇḍita, l’omniscient en personne, tu as reçu
Un océan d’enseignements sur les mantras secrets des écoles ancienne et nouvelles.
Vos esprits se sont unis, et tu as toi aussi enseigné les sūtras et mantras.
Toi qui as formé tant de disciples érudits, je chante tes louanges !

Au grand centre dharmique de Tennyi Dargyé Ling,
Tu as compilé les excellents textes de Péma Vijaya[6], couronne des érudits accomplis,
De même que ceux de Mipham, seigneur du Dharma.
Toi qui as contribué aux voies profondes et vastes du Dharma, je chante tes louanges !

Dans le Jardin de l’Immortalité, la résidence privée
À Tashi Lhatsé[7], qui est comme un second Akaniṣṭha,
Tu as enseigné à la communauté le Bodhicaryāvatāra
Et le Pramāṇavārttika. Je chante tes louanges !

À Evaṃ Tarpa Tsé, dans la résidence du grand khenpo
Et les appartements de l’omniscient, tu as par deux fois tourné la Roue du Dharma
Pour dévoiler les secrets définitifs du grand commentaire sur le Kālacakra.
Toi qui as actualisé la profonde intention de Jampal Gyépa, je chante tes louanges !

Tu n’as pas négligé les maximes de tes propres maîtres,
Ni détourné les mots des commentaires indiens et tibétains.
Tu as enseigné sans erreur ni confusion, précisément
Selon les propos et affirmations des érudits du passé. Je chante tes louanges !

Les esprits les plus critiques s’épuiseraient en vain
À essayer d’appréhender les profondeurs de ton intelligence.
Tes réponses ont inspiré la certitude grâce aux quatre objets de confiance
Et aux quatre modes de raisonnement. Je chante tes louanges !

Tu parlais de façon honnête, sans prétention ni tromperie.
Extérieurement, tu adoptais la conduite pure et saine des śrāvaka,
Alors qu’intérieurement, tu n’as jamais cessé la profonde pratique
De création, d’achèvement et de Grande Perfection. Je chante tes louanges !

Ta flamboyante sagesse née de la méditation témoignait de ta maîtrise.
De nos jours, rares sont ceux qui ont fait autant que toi
Pour maintenir la vue de la tradition Ngagyour Nyingma.
Toi qui mérites d’être qualifié de troisième Longchen Rabjam[8], je chante tes louanges !

Pour les deux suprêmes incarnations de Dodroup[9] et d’autres gens fortunés,
Tu as tourné la Roue du Dharma de l’Essence du cœur
Et insufflé de la vitalité aux enseignements.
Toi qui as prodigué aux êtres un bienfait incommensurable, je chante tes louanges !

À une époque où les enseignements nyingma avait été entachés,
Toi seul fus comme le joyau kétaka qui purifie l’eau
En offrant des commentaires en tous points conformes à l’intention de Lama Mipham.
Je m’incline devant toi, qui as montré la Voie médiane au-delà des extrêmes de l’éternalisme et du nihilisme !

Avec ton profond commentaire du Flambeau de la certitude,
D’autres commentaires conformes à l’intention du guru,
Et maintes autres compositions magnifiquement tournées,
Tu as ravivé les braises des enseignements des premières traductions. Je chante tes louanges !

En guidant les autres sur la voie des raisonnements authentiques,
Tu es apparu comme le Dharmakīrti de cet âge décadent.
Ô, Kunzang Palden, victorieux sur tous les plans,
Grand lion de la parole : avec dévotion, je chante tes louanges !

Jusqu’à ce que le vase de ton nirmāṇakāya se soit dissout
En l’an du Mouton d’Eau dans ta soixante-douzième année[10],
Tu t’es continuellement appliqué à une méditation profonde,
Et tu as enseigné nuit et jour les sūtras et mantras. Je chante tes louanges !

Ô glorieux et bienveillant guru !
En se rappelant la façon dont tu as si gentiment
Suscité un penchant pour l’étude, même un buffle comme moi
Ne peut que pleurer, pris d’une douloureuse nostalgie…

Ô, seigneur qui m’a témoigné une bonté exceptionnelle,
Puisses-tu demeurer à jamais au centre de mon cœur !
Puisses-tu m’aider à maîtriser la bodhicitta, à réaliser la vraie nature,
Et à accomplir spontanément mes buts et ceux d’autrui !

Lodrö Gyatso, un lama déguenillé qui fut nourri par la bonté incommensurable de ce protecteur suprême, a écrit ces mots à Gangtok, au Sikkim, alors qu’il se rappelait le guru. Puisse cela contribuer à nous faire promptement baigner dans ses bénédictions!


| Traduit en français par Vincent Thibault (2023) sur la base de la traduction anglaise d’Adam Pearcey (2022), qui remerciait la Khyentse Foundation et le Tertön Sogyal Trust.


Bibliographie

Éditions tibétaines

'jam dbyangs chos kyi blo gros. “mkhan rin po che kun dpal la bstod pa bka’ drin rjes dran gyi me tog mchod pa.” dans gsung 'bum 'jam dbyangs chos kyi blo gros (dbu med), Gangtok : Dzongsar Khyentse Labrang, 1981–1985. Vol.1 : 255–262.

'jam dbyangs mkhyen brtse chos kyi blo gros. "yongs 'dzin bka' drin can mkhan rin po che kun dpal la bstod pa bka' drin rjes dran gyi me tog mchod pa." dans rdzong sar mkhyen brtse 'jam dbyangs chos kyi blo gros kyi gsung 'bum. Bir, H.P. : Khyentse Labrang, 2012. Vol. 2 : 607–611.

Sources secondaires

Kunzang Pelden. The Nectar of Manjushri’s Speech: A Detailed Commentary on Shantideva’s Way of the Bodhisattva. Trans. Padmakara Translation Group. Boston & London : Shambhala Publications, 2007. Version française : Perles d’ambroisie (coffret de trois volumes), traduit du tibétain par le Comité de traduction Padmakara, Éditions Padmakara, 2007.

Tulku Thondup. Masters of Meditation and Miracles. Boston, MA : Shambhala Publications, 1996. Version française : Les Maîtres de la Grande Perfection : La Lignée du Longchen Nyingthig du bouddhisme tibétain, traduit par Nathalie Koralnik, Courrier du livre, 2000.


Version : 1.0-20231220



  1. Selon l’édition dbu med, nous lisons chu sprel. L’édition de 2012 comportait une coquille (chu sbrul). Le présent texte a donné lieu à bien des discussions sur les dates de naissance et de décès de Khenpo Kunpal. Plusieurs personnes ont soulevé que les dates fournies ici (1872–1943) impliquaient un problème chronologique, puisque Kunpal aurait reçu les enseignements de Patrul à un âge extrêmement jeune. Néanmoins, la question de son année de naissance fut clarifiée par Kunpal lui-même : dans le colophon de sa biographie de Patrul, il dit avoir complété l’ouvrage en l’an du Tigre de Terre (1938), dans sa soixante-dix-septième année, ce qui signifie qu’il a dû naître en 1862. Bien que cela contredise le texte que nous traduisons ici (qui fut également suivi dans l’ouvrage de Tulku Thondup cité dans la bibliographie), on ne voit pas pourquoi on remettrait en cause l’affirmation du principal intéressé. Dans tous les cas, Jamyang Khyentsé identifie correctement l’année de décès, et dans un autre texte il fournit même la date précise.  ↩

  2. zla chu, dans la région de Dzachukha.  ↩

  3. zhag gi phung po drug. Littéralement, six « paquets de jours ».  ↩

  4. Il s’agit probablement d’une référence au troisième Mura Tulku, Péma Déchen Zangpo.  ↩

  5. Dudjom Lingpa (1835–1904).  ↩

  6. Shéchen Gyaltsab Gyourmé Péma Namgyal (1871–1926).  ↩

  7. Les appartements de Jamyang Khyentsé Wangpo (1820–1892) au monastère de Dzongsar.  ↩

  8. Après Longchen Rabjam (1308–1364) lui-même et Rigdzin Jigmé Lingpa (1730–1798).  ↩

  9. Dodrupchen Tupten Trinlé Palzangpo (thub bstan phrin las dpal bzang po, 1927–2022) et Dodrupchen Jalü Dorjé ('ja' lus rdo rje, 1927–1961).  ↩

  10. Comme on l’a mentionné plus haut, bien que la date de décès de Khenpo Kunzang Palden soit correcte, la date de naissance fournie au début du texte semble erronée, puisque le khenpo a lui-même écrit ailleurs qu’il avait 77 ans en 1938. Il aurait donc vécu jusqu’à l’âge de 81 ans (ou jusque dans sa 82e année).  ↩

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