Autobiographie versifiée de Jigmé Lingpa
Un dohā en guise de parure
Compte rendu factuel de la vie et de la libération du dzogchenpa Rangjoung Dorjé
par Jigmé Lingpa
Hommage au bouddha principal !
L’histoire complète du saṃsāra,
Dans lequel nous ne réalisons pas la vérité
De l’épuisement et de l’incréé
Et sommes la proie des pensées dualistes –
Voilà qui serait trop long à raconter.
Quand la base universelle et neutre
Est associée aux objets de perception[1],
Les souillures voient le jour et prolifèrent.
Les ensembles conditionnés de consciences,
Les éléments et les sources sensorielles
Produisent ce qu’on appelle « le monde », la roue de l’existence.
C’est ainsi que jadis, tandis que j’étais dans le monde du désir,
Je me suis cramponné à un « moi » :
Je suis alors né dans la région de Śrī Parvati[2],
Dans la lignée familiale paternelle du Seigneur Gyayakpa[3].
Comme la famille n’avait pas de sujets à sa charge,
Ça ne m’a pas empêché de jouir de tous les avantages circonstanciels.
Né garçon à l’esprit pur, je possédais donc aussi
Tous les cinq avantages personnels.
Bien que les jeunes enfants incapables de chasser les corbeaux
Ne prennent pas typiquement les vœux[4],
J’ai intégré la vie monastique à l’âge de cinq ans[5].
Incité par le fouet, j’ai mémorisé les textes rituels,
Et avec un effort minimal, j’ai écouté, contemplé et médité,
En faisant apparemment fi des principes de causalité.
À quatorze ans, je suis devenu moine novice.
Pourtant, en dehors des quatre vœux racines,
Je ne connaissais même pas les préceptes[6],
Alors comment aurais-je pu maintenir l’entraînement à la discipline ?
Je pensais qu’il suffisait de m’appliquer aux aspirations excellentes[7]
Pour honorer le vœu de s’abstenir des actions négatives.
Et donc, sous l’apparence d’un moine, j’ai dilapidé les offrandes
Et mené ma vie comme une personne ordinaire.
Néanmoins, j’étais las de ce monde,
Et depuis aussi longtemps que je me souvienne,
Je ressens naturellement le renoncement et une grande compassion.
J’ai donc aspiré à la conduite d’un ascète.
Je semblais fort intelligent et habile,
Et même si je menais la vie d’un enfant,
Je ne pouvais envisager la conduite pernicieuse du chat[8].
Devenu adulte, je n’avais nul désir d’agir de façon négative,
Que ce soit mentalement ou physiquement ;
Pourtant, en fonction de circonstances externes, notamment la conduite d’autres moines,
J’ai succombé à la colère et à l’attachement, pour lesquels j’ai éprouvé des remords.
Demeurant seul, je ne pensais qu’au saint Dharma.
Quand je lisais la biographie du grand maître de l’Uḍḍiyāna
Et que je me souvenais des Trois Joyaux,
Une puissante foi ne cessait de rayonner en moi.
Rempli de dévotion, j’ai songé à arriver instantanément
À la Glorieuse Montagne cuivrée –
Et alors, mon esprit fut effectivement béni.
Sans parler d’en être témoin directement,
Il me suffisait d’entendre parler
De chasseurs qui traquent des chevreuils,
De nomades qui mènent des troupeaux de moutons à l’abattoir,
Ou de pauvres gens qui craignent d’être punis,
Pour ressentir une compassion bouleversante.
Quand j’arrivai à l’âge de vingt-quatre ans,
Je ne pensais qu’aux défauts de la distraction,
Et je rêvais de m’enfuir en quête de Dharma.
Je souhaitais errer seul en des lieux désolés
Et rompre l’attachement à ma terre natale.
Comme mes perceptions ne comportaient nulle trace d’hostilité,
J’étais heureux d’entendre les noms des gurus,
Ou d’en apprendre sur de grands méditants qui avaient peu d’obligations,
Ou d’avoir vent de gens paisibles et vertueux.
Sans éprouver de doutes ou d’appréhensions,
J’éprouvais du respect pour tout le monde et pour les divers enseignements.
Je n’exhalais pas le doux parfum
Des douze pratiques ascétiques[9] ; toutefois,
Mon attitude et mes actions différaient de ceux des gens ordinaires[10].
Avec une désillusion et un renoncement infinis,
J’ai adopté la perspective de la libération personnelle.
Quand les conditions favorables se sont manifestées,
À Śrī Parvati et Samyé Chimp’ou,
J’ai médité pendant sept ans en gardant l’esprit focalisé
Sur les phases de création et d’achèvement,
Tout en maintenant un semblant de vœux du Véhicule des mantras.
Quand les cinq facultés totalement perturbées[11]
Devinrent les causes d’une purification complète,
Mon esprit fut submergé d’expériences spirituelles, je trouvai la relaxation,
Et ma réalisation de la vacuité et de la compassion augmenta encore et encore.
Les pensées teintées d’attachement, de colère, d’espoir et de crainte
Furent naturellement libérées sur la voie.
Grâce aux bénédictions des Trois Racines
Et à la cause directe de la voie adamantine[12],
J’ai ouvert la précieuse réserve de toutes les qualités de la purification totale.
Mon corps s’embrasa, les ḍākinīs accordèrent des signes,
Et je trouvai le trésor de la connaissance discriminante,
Exactement comme l’avait prophétisé le puissant vainqueur Padma.
La roue nuageuse[13] des syllabes dans les canaux et éléments
Résonna comme la musique du saint Dharma.
L’œil qui voit tout, d’une vision totalement dégagée,
Et les ḍākinīs des trois sphères passèrent sous mon contrôle.
Avec une perception valide directe, j’ai purifié dans l’espace omnipénétrant
Toute pensée d’abandon, d’adoption, d’assertion ou de réfutation,
De même que la peur que ressentent les simples intellectuels,
Et tout souci quant au fait de creuser à la recherche de trésors,
D’attendre un héritier dans le Dharma,
Ou d’espérer gagner quoi que ce soit.
Je ne peux prétendre avoir atteint
Les voies et bhūmis supérieurs ;
Toutefois, dans le Sūtra de l’application de l’attention,
Le Bouddha a parlé des huit grands trésors du Dharma[14].
Leur caractéristique est que toute personne à qui ils sont révélés
Ne manquera pas d’effectuer des activités éveillées
Et d’atteindre les siddhis.
En particulier, par la force d’aspirations antérieures,
Et en m’en remettant aux instructions essentielles du grand omniscient[15],
J’ai réalisé la nature de mon esprit.
Puisque, dans la grotte inférieure de Chimp’ou,
J’ai rencontré Longchenpa en vision et réalisé la vérité du réel,
Pourquoi aurais-je besoin d’un océan de doctrines philosophiques ?
Grâce à ses bénédictions, j’ai compris chaque détail des enseignements,
À commencer par les dix-huit libertés et avantages
Et le refuge des trois types d’êtres.
Le victorieux porte-parole de la vérité a proclamé
Que nous devrions respecter et honorer
Toute personne de qui on a reçu le Dharma,
À l’image d’un pur brahmane qui vénère le feu.
En suivant cet exemple, j’ai compris la nature de tous les enseignements
Et les caractéristiques spéciales de la Grande Perfection.
Directement et lors de visions et de rêves,
J’ai reçu des prophéties selon lesquelles je comblerais les bouddhas.
Les gens qui ne pouvaient distinguer les vrais enseignements des faux,
Et dont l’intelligence était émoussée par des démons,
Ont méprisé et critiqué le śrāmaṇa Gautama
Quand il a abandonné les austérités des tīrthikas ;
Ils l’ont traité de malfaiteur[16].
Comme ils sont dignes de compassion !
À une époque reculée, j’ai reçu
Les vœux de bodhisattva du Bouddha Kāśyapa,
Et la prophétie selon laquelle, ayant éliminé les obscurcissements
[Qui entravent] la vision et la méditation et voilent la nature de bouddha,
Je deviendrais le bouddha Complètement Victorieux.
Jusqu’à ce que j’arrive devant l’arbre de la bodhi,
Je ne dois pas faillir à la conduite des bodhisattvas,
Ni tomber sous l’emprise d’êtres ordinaires,
Mais atteindre l’état souverain de la réalisation véritable
En tant que Rangjoung Dorjé à l’accomplissement spontané.
De plus, comme mon esprit
Est devenu honnête et intègre,
Je ne critique pas les pratiquants bouddhistes et spirituels
Qui se contentent de préserver les apparences,
Et encore moins ceux qui sont réellement connectés au Dharma.
Pour ce qui est des adeptes du Dharma, de l’Inde ou du Tibet,
Comment les ignorants pourraient-ils reconnaître les qualités
De ceux dont les facultés sont supérieures ?
Quand des figures tels qu’Āryaśūra et Dignāga,
Ayant éliminé l’état d’esprit du sommet de l’existence et du soi ineffable
Avec la sagesse discriminante,
Deviennent comme de grands soleils qui illuminent les enseignements –
C’est là l’activité éveillée des vainqueurs.
Bien que j’aie foi dans tous les enseignements,
J’ai vu dans la Bodhisattva-piṭaka
Le fondement du Véhicule des mantras ;
Je me suis donc rendu aux pieds de la statue du Jowo Śākyamuni
Pour prendre les vœux de bodhisattva.
J’ai pris les engagements d’aspiration et d’action, activant ma prédisposition[17]
Constatant le déclin de notre propre tradition,
J’ai réuni les textes de l’Ensemble des tantras[18],
Reçu les transmissions, et écrit une histoire, un catalogue[19],
Et des réfutations pour balayer les idées fausses.
J’ai ainsi créé les conditions favorables
À l’épanouissement et à la diffusion des textes et transmissions.
N’arrivant pas à s’en remettre au sens
Du Sūtra, de l’Illusion et de l’Esprit[20],
Ni à celui de la quadruple Essence du cœur,
Certains autres savants ont méprisé et sali ces ouvrages mantriques.
Alors, j’ai étudié, expliqué et pratiqué au mieux de mes capacités
De tels textes – lesquels offrent des rituels cohérents qui mûrissent et libèrent,
Ne présentent aucune contradiction entre les tantras et les instructions essentielles,
Incorporent tous les points cruciaux de la base et de l’agent de purification,
Et ont le pouvoir d’accorder le résultat des cinq kāyas.
Cela incluait des ouvrages des kamas,
Comme L’Union avec tous les bouddhas, Le Kīlaya le plus intime,
Ébranler les tréfonds, Les Huit grands mandalas, Yamāntaka, et d’autres encore.
En me basant sur la lignée courte des bénédictions et de l’initiation
Du maître Śrī Siṃha,
J’ai à nouveau rassemblé les enseignements
Du Système tantrique de Kīlaya[21].
Quelles qu’elles soient,
Toutes les traditions et doctrines du Tibet, ce Pays des Neiges,
Préservent les systèmes philosophiques du Bouddha.
Pour ceux qui souhaitent comprendre tous les enseignements,
À la fois les collections des sūtras et des tantras,
J’ai composé Le Trésor de précieuses qualités[22],
Et ses commentaires – Le Chariot des deux vérités et Le Chariot de l’omniscience[23] –
Afin d’illuminer la grand-route
Des systèmes philosophiques de notre propre tradition.
Je me suis fié aux Paroles du Bouddha, au Commentaire dit des Trois Joyaux[24],
Aux Trois chariots[25] et aux Sept trésors,
Et j’ai orné le tout de nombreuses citations
Puisées dans les Paroles du Bouddha et les śāstras.
Mettant de côté le système consistant à méditer sur la vacuité de la production et de la cessation
Selon une analyse précise des consciences et des éléments
Conformément à la sublime Abhidharma-piṭaka,
Je suis parvenu aux niveaux de réalisation des Āryas
Par la force de la méditation sur la sagesse de la Grande Perfection,
Qui est la bodhicitta absolue.
Pour accroître ma maîtrise des entraînements
De la bodhicitta relative, en aspiration et en action,
Ce qui importe plus que leur développement initial,
J’ai libéré environ deux cents bovins et moutons,
De même que d’innombrables petits animaux,
En évitant tout sentiment d’avarice.
Je n’ai pas adopté les mauvais moyens d’existence consistant à dépenser
De façon extravagante et ostentatoire les dons offerts par foi ou pour les morts.
Cependant, j’ai construit le monastère de Péma Ö Ling
Avec un temple qui abrite les textes des piṭakas,
Et des huttes de retraite scellées avec de la terre, où quelques moines et méditants se sont installés.
J’ai dépensé des milliers de pièces d’argent
Pour la création de représentations des Trois Joyaux,
Et j’en ai offert des dizaines de milliers pour restaurer les autels de nos ancêtres royaux.
J’ai aussi acquis les Paroles du Bouddha et commandité leur récitation.
De cette façon, je me suis entraîné à la perfection transcendante de la générosité.
J’ai atteint la maîtrise des canaux, des vents et des énergies vitales
Et préservé le vinaya du Véhicule adamantin,
Adoptant la discipline des mantras.
Les critiques provenant des idiots
N’ont pu affecter la confiance intrépide que j’ai acquise.
Patiemment, j’ai accepté le sens de la vérité profonde,
Vivant ma vie sans hypocrisie.
Pour m’aider dans la sphère d’activité liée au travail
Et aux diverses formes de conduite,
J’ai acquis la perfection transcendante de la diligence.
En tournant l’esprit vers l’intérieur sans le laisser s’égarer,
Les concepts se rapportant aux phases de création et d’achèvement se sont dissouts d’eux-mêmes,
Et mon esprit est parvenu à l’état de concentration méditative.
Puis, en tant que perfection transcendante de la sagesse,
Vipaśyanā est devenu Grande Perfection.
Tâcher de plaire aux gens importants
Relève des huit préoccupations mondaines –
L’espoir du gain, la crainte de la perte, et ainsi de suite.
Toutefois, si je ne m’étais pas montré habile dans ce domaine,
Le chapelain royal aurait été jaloux et aurait causé des problèmes.
En y réfléchissant, et compte tenu d’obstacles dus à mon âge et à la maladie,
J’ai envoyé une lettre [diplomatique]
Pour répondre à l’invitation du Roi de Dergué[26].
Le Seigneur du Dharma, le glorieux chef des Sakyapas[27],
M’a invité avec insistance ;
Et à la façon dont ce Seigneur s’adressait à moi,
J’ai reconnu des connexions de bon augure issues de vies antérieures.
Ce fut un long périple, pendant lequel j’ai rendu hommage
Aux représentations des Trois Joyaux rencontrées sur le chemin.
Quand je suis arrivé, nous nous sommes rassemblés
Dans le grand temple pour trois mois, pendant l’hiver.
En général, j’ai consacré les représentations des Trois Joyaux,
Et j’ai en particulier préparé les étudiants
En offrant les tantras et les transmissions orales des écoles ancienne et nouvelles,
Les huit grandes initiations,
Les bénédictions-autorisations et les mandats de vitalité des protecteurs.
J’ai aussi offert un rituel détaillé pour accorder les vœux de bodhisattva,
Et j’ai également prodigué des instructions qui s’y rapportent.
Ainsi, les étudiants se sont eux-mêmes appliqués assidûment
Aux moyens habiles pour faire mûrir les deux types de bodhicitta.
Les grands êtres font de bons récipiendaires pour les enseignements élevés
En raison de leur nature divine ;
Mais c’est difficile pour ceux dont les facultés sont moindres.
Donc, pour que ces nobles êtres, considérés comme des gurus dans tout le pays,
Puissent devenir de bons enseignants,
Leur esprit imprégné du sens du Grand Véhicule
Et en accord avec la nature de la réalité,
J’ai fait des aspirations excellentes et significatives.
J’ai évité l’arrogance envers ceux dont les facultés sont moindres
Et la bonté hypocrite envers les riches mécènes.
Motivé par l’esprit d’éveil, et appliquant les quatre façons d’attirer des disciples,
J’ai enseigné à plus de deux cents élèves,
Et pas seulement les explications pour les assemblées dans le cadre des pratiques d’aspiration[28].
Vers la fin de l’ère favorable à la pratique,
Il semble qu’un vague sentiment de renoncement
Est tout ce qu’arrivent à maintenir la plupart de ceux qui s’efforcent de pratiquer le Dharma,
Puisque leur esprit est dominé
Par le grand démon des cinq dégénérescences.
Ils peuvent développer quelques qualités positives
Après des mois, voire des années de pratique,
Mais la plupart rechutent…
Rares sont ceux qui progressent sur la voie !
Par conséquent, je m’efforce toujours
De demeurer dans la solitude.
En particulier, bien que nombre de gens
Soient instruits dans la piṭaka du Véhicule des mantras,
Rares sont ceux qui réussissent vraiment.
Les causes, et donc les résultats, sont absents –
C’est comme tenter de puiser de l’eau dans une fontaine tarie.
Donc, si on mesure la prolifération et le déclin des Enseignements
Non par la réalisation de la réalité elle-même,
Ni par les actions qui s’accordent avec le Dharma,
Mais plutôt par le nombre d’adhérents,
La généalogie, l’apparence physique ou le pouvoir,
C’est stupide et totalement illusoire.
Les six ornements et les quatre-vingts siddhas,
Le maître indien Padampa Sangyé,
Géshé Kharak Gomchoung[29],
Et le vainqueur Longchen Rabjam
N’ont pas troqué leurs humbles demeures
Pour de vastes complexes monastiques pleins de négativité,
Et ils n’ont pas fréquenté des tonnes de moines et élèves
Dont la pratique de Dharma se ramène au désir et à la colère.
De même, je vous exhorte à engendrer le respect des Trois Joyaux
Et à pratiquer dévotement le Dharma.
J’ai fait l’aspiration parfaite que toute personne qui me soit connectée
Soit inspirée à cultiver la vertu.
En méditation, toutes les pensées se manifestent comme la sagesse,
Et dans l’après-méditation, je ne pense qu’au renoncement.
Puisque l’esprit qui conçoit un « moi » et s’y cramponne
N’a en réalité pas la moindre existence,
J’ai transcendé les traits comme la condescendance, l’orgueil démesuré,
Les biais cognitifs, l’exaltation de soi, le dénigrement d’autrui,
L’arrogance et la surexcitation.
Je suis libre de tout espoir et de toute crainte
Quant à savoir si les êtres confus, qui s’attachent
À la famille, à la beauté, au pouvoir et à la renommée,
Me respectent ou non,
Parce que les êtres ont tous des perceptions différentes,
Selon leurs empreintes karmiques,
Et que les façons dont les situations sont perçues
Dépendent de causes et de conditions interdépendantes.
« Les personnes qui sont inspirées
Par le Grand Véhicule,
Même si elles n’ont pas la capacité d’aider les êtres,
Devraient constamment en avoir l’intention.
Le simple fait d’entretenir une telle intention
Fera qu’ils l’accompliront. »
Donc, si vous êtes constamment dévoués au précieux esprit de la bodhicitta,
Lequel s’apparente à un élixir qui transforme tout en or,
Le reste de votre vie sera profondément significatif.
J’ai écrit ce texte à la demande
Du grand lama de Sakya[30].
Grâce au mérite qui en découle, puisse ce texte devenir pour tous ceux et celles
Qui le voient, l’entendent, le touchent ou y pensent, la cause de leur sublime éveil.
Sarva maṅgalam !
| Traduit en français par Vincent Thibault (2025) sur la base de la traduction anglaise de Han Kop (éditée par Barry Cohen, 2023, dans le cadre du Longchen Nyingtik Project). Le traducteur vers l’anglais remerciait Lama Shérab Tharchin du monastère de Dodrupchen et Khenpo Sonam Tséwang de Namdroling pour leur aide sur l’ensemble du texte, de même que Khenpo Sonam Tséwang et Matthias Staber pour leur relecture et leurs suggestions.
Bibliographie
Éditions tibétaines
'jigs med gling pa. "rdzogs chen pa rang byung rdo rje'i don gyi rnam thar do ha'i rgyan" in 'jigs med gling pa'i rnam thar. BDRC W7479. Chengdu: si khron mi rigs dpe skrun khang, 1998, pp. 462–469.
'jigs med gling pa. "rdzogs chen pa rang byung rdo rje'i don gyi rnam thar do ha'i rgyan". In gsung 'bum_'jigs med gling pa sde dge par ma. BDRC W27300. Gangtok, Sikkim: Pema Thinley for Dodrupchen Rinpoche, 1985. (Derge edition). Vol 9: 513–524.
Sources secondaires
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______. “Rig-'dzin 'Jigs-med gling-pa and the Klong-Chen sNying-Thig.” In Tibetan Buddhism: Reason and Revelation. Edited by Ronald Davidson and Steven Goodman. Albany: State University of New York Press, 1992, pp. 133–147
Gyatso, Janet. Apparitions of the Self: The Secret Autobiographies of a Tibetan Visionary. Princeton: Princeton University Press, 1999.
______. “From the Autobiography of a Visionary.” In Religions of Tibet in Practice, Donald S. Lopez, ed. Princeton: Princeton University Press, 1997, pp. 369–375.
Smith, Gene. Among Tibetan Texts: History and Literature of the Himalayan Plateau. Boston: Wisdom Publications, 2001.
[Tulku Thondup](/translators/tulku-thondup/). Masters of Meditation and Miracles: The Longchen Nyingthig Lineage of Tibetan Buddhism. Boston: Shambhala, 1996.
______. Les Maîtres de la Grande Perfection : La lignée du Longchen Nyingthig du bouddhisme tibétain. Paris : Courrier du Livre, 2000.
van Schaik, Sam. "A Tibetan Catalogue of the Works of ’Jigs-med gling-pa", Revue d’études tibétaines, no. 29, Avril 2014, pp. 39-63.
______. Approaching the Great Perfection: Simultaneous and Gradual Methods of Dzogchen Practice in the Longchen Nyingtig. Boston, MA: Wisdom Publications, 2004
______. "Sun and Moon Earrings: The Teachings Received by 'Jigs med gling pa." Tibet Journal, vol. 25: 4, 2000, pp. 3-32.
Version : 1.0-20250701
-
dmigs pa : référence ou image mentale. ↩
-
Śrī Parvati fait référence à Palri Ösal Tekchen Ling, un monastère Nyingma et une branche de Katok au Chonggye. Il fut initialement établi au 16e siècle par Tertön Shérab Özer (1518–1584) sous le parrainage de Sonam Tobgyal. ↩
-
rgya yags pa, ailleurs nommé Gyadrakpa (rgya brag pa). Ce fut l’un des six héritiers spirituels de Chöje Drukpa (chos rje 'brug pa). Selon Gene Smith, cette lignée est appelée Ra Droukpa (rwa 'brug pa), « l’une des six grandes lignées de disciples des lamas 'brug pa de Rwa lung ». (Smith, 2001, p. 21) ↩
-
Selon le Vinaya, les enfants si jeunes qu’ils ne parviennent même pas à faire fuir les corbeaux ne sont généralement pas autorisés à prendre les vœux. ↩
-
C’est-à-dire en 1735. Jigmé Lingpa donne ici son âge d’après la tradition tibétaine, selon laquelle on commence à compter dès le moment de la conception, si bien qu’on estime qu’un bébé naissant a un an. Donc, bien que l’auteur écrive qu’il avait alors six ans, nous comprenons qu’il en avait en fait cinq. ↩
-
Référence aux 33 ou 36 vœux d’un moine novice, qui incluent d’éviter les quatre transgressions racines. ↩
-
Le terme « aspirations excellentes » (legs smon) fait ici référence aux prières formulées pour obtenir une renaissance favorable parmi les dieux ou humains. ↩
-
Les chats peuvent sembler innocents, mais en secret, ils chassent et tuent des souris et d’autres animaux. ↩
-
Les douze pratiques (ou qualités) ascétiques : 1) se contenter de vêtements trouvés dans les rebuts ; 2) ne posséder que trois robes ; 3) se contenter de vêtements en feutre ou en laine ; 4) quêter pour s’alimenter ; 5) manger son repas sans se relever ; 6) restreindre la quantité de nourriture ingérée ; 7) demeurer dans la solitude ; 8) s’asseoir au pied des arbres ; 9) s’asseoir en des lieux exposés ; 10) s’asseoir dans les charniers ; 11) se contenter d’être assis, même pendant le sommeil ; 12) se contenter de demeurer là où l’on se trouve. Pour des traductions alternatives et une liste des termes tibétains, voir l’entrée intitulée « Les douze qualités ascétiques » sur dharmapedia.fr. ↩
-
Le terme khyim évoque plus littéralement la propriété d’une maison, et plus généralement la vie de famille, voire la laïcité. ↩
-
kun nas nyon mongs dbang po lnga. ↩
-
Jigmé Lingpa parle ici des exercices yogiques axés sur les canaux subtils (rtsa), les vents ou énergies internes (rlung) et les essences vitales (thig le). ↩
-
'khor lo'i sprin. ↩
-
Encore appelés « huit grands trésors de l’éloquence courageuse », ou « huit grands trésors de la confiance » (spobs pa'i gter chen brgyad) : 1) le trésor de la mémoire, 2) le trésor de l’intelligence, 3) le trésor de la réalisation, 4) le trésor des dhāraṇī (ou de la « rétention »), 5) le trésor de l’éloquence courageuse, 6) le trésor du Dharma, 7) le trésor de la bodhicitta et 8) le trésor de l’accomplissement. Voir par exemple Mipham, L’Épée de la sagesse, https://www.lotsawahouse.org/fr/tibetan-masters/mipham/sword-of-wisdom, versets 93 à 98. ↩
-
C’est-à-dire Longchen Rabjam. ↩
-
Jigmé Lingpa implique ici qu’il lui est arrivé quelque chose de similaire. ↩
-
Variantes pour rigs la sad pa : éveillant mon affinité, renouant avec mon héritage, rejoignant ma famille (spirituelle)… ↩
-
rgyud 'bum. ↩
-
Une magnificence qui imprègne le monde : Histoire de la précieuse collection des tantras de l’École des premières traductions (snga 'gyur rgyud 'bum rin po che'i rtogs brjod 'dzam gling tha gru khyab pa'i rgyan), Derge, Vol. 3: 3–502. ↩
-
« Sūtra, Illusion et Esprit » : mdo sgyu sems. ↩
-
rgyud lugs phur ba. Une pratique de Vajrakīlaya qui a fait surface dans l’esprit de sagesse de Jigmé Lingpa, mais qui fut en même temps extraite des tantras. Pour cette raison, on la classe à la fois parmi les trésors (terma) et dans la lignée de transmission orale (kama). Alors que Jigmé Lingpa était en retraite, il eut une vision : il se vit à Paro Taktsang en compagnie de l’un des vingt-cinq disciples de Guru Rinpoché, Palgyi Sengé, qui lui expliqua comment arranger la pratique. Il a achevé la compilation en 1783, quand il a donné la transmission au monastère de Sakya. ↩
-
Le Trésor de précieuses qualités fut écrit pendant l’hiver 1779–1780 à Péma Ö Ling, à la demande de Chöjé Drakpoukpa de Latö. ↩
-
Le Chariot des deux vérités fut écrit à la requête du 31e détenteur du trône de Sakya, Ngawang Künga Lodrö (1729-1783), et Le Chariot de l’omniscience, à la demande de Chöjé Drakpoukpa de Latö. ↩
-
dkon cog 'grel, ou dkon mchog 'grel : un célèbre commentaire du Guhyagarbha Tantra par Rongzom Chökyi Zangpo (1012–1088). ↩
-
shing rta gsum. Le Grand chariot (shing rta chen mo), le commentaire de Longchenpa sur son ouvrage Trouver le repos dans la nature de l’esprit (sems nyid ngal gso) ; L’Excellent chariot (shing rta bzang po), son commentaire de Trouver le repos dans l’illusion (gyu ma ngal gso) ; Le Pur chariot (shing rta rnam dag), son commentaire de Trouver le repos dans la méditation (bsam gtan ngal gso). ↩
-
En d’autres mots, Jigmé Lingpa, n’étant pas en mesure d’accepter l’invitation du roi de Dergué, a plutôt envoyé une lettre. Ce roi s’appelait Sawang Zangpo (sa dbang bzang po, 1768–1790). ↩
-
Jigmé Lingpa a visité Sakya en 1786. Il avait alors 57 ans. Comme le 31e détenteur du trône de Sakya, Ngawang Künga Lodrö (1729–1783), est mort un peu plus tôt, il doit ici s’agir du 32e détenteur du trône, Jamgön Wangdü Nyingpo (1763–1809). ↩
-
Jigmé Lingpa laisse entendre qu’en plus des explications destinées aux assemblées (tshogs bshad), il a aussi prodigué des explications destinées aux étudiants (slob bshad), réservées aux personnes plus avancées qui souhaitent actualiser et parfaire la pratique. ↩
-
Kharak Gomchoung Wangchouk Lodrö (kha rag sgom chung dbang phyug blo gros) était un maître Kadampa du 11e ou 12e siècle. ↩
-
Ce texte fut possiblement écrit en 1786, alors que Jigmé Lingpa, âgé de 57 ans, a visité le monastère de Sakya. Goodman (1983, p. 36) note que les plaques de bois furent gravées pour la première fois en 1787. ↩