La maison des traductions du bouddhisme tibétain
ISSN 2753-4812
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Conseils pour Aka Nyima

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Conseils pour Aka Nyima

par Khenchen Ngawang Palzang

Hommage au maître.

Puisque nous sommes nés pour mourir[1],
La mort nous attend depuis avant notre naissance.
Nul moyen d’y échapper !
Efforce-toi de voir les choses ainsi.

Les enseignements bouddhistes regorgent de références
À la mort et à l’impermanence.
Si, en ton for intérieur[2], tu y réfléchis et t’y entraînes encore et encore,
D’abord, elles t’inciteront au Dharma ;
Ensuite, tu éviteras de régresser sur la voie ;
Enfin, tu réaliseras l’égalité.
Donc, elles sont bonnes pour toi au début, au milieu et à la fin.

Si tu ne te rappelles pas continuellement l’impermanence,
Le langage sophistiqué des véhicules supérieurs
Embrouillera ton pauvre continuum mental.
Alors, comme tu ne mêleras pas ton être au Dharma,
Ton esprit, coincé dans des fabrications spécieuses, te trompera.

Si la mort ne hante pas ton esprit,
Qu’importe la profondeur des enseignements de la Grande Perfection !
En revanche, si tu es convaincu de l’impermanence au fond de ton cœur,
Tout Dharma que tu mets en pratique t’ouvrira un sentier vers la liberté.

De nos jours, dans les entrailles de l’ère décadente,
Les gens ne pratiquent pas le Dharma dont ils parlent.
Ceux qui en font une voie font exception.

Il est rare de comprendre les points clés de la voie[3] ;
Les gens ne savent percer au travers[4] des expériences de cette vie ;
Et le niveau de diligence est franchement pathétique.
Dans ces circonstances, on pourrait passer sa vie dans les montagnes[5],
Et ne pas savoir quelle direction prendre au moment de la mort.

Ceux qui ont beaucoup de connaissances pourraient penser,
« Je vais trancher net le savoir superflu et l’élaboration conceptuelle »,
Avant de se cramponner à la vérité par des interprétations littérales qui passent à côté de l’essentiel.
Il n’est pas d’entrave plus redoutable.

Les doctes guéshés aux oreilles d’ânes[6],
Gonflés par l’arrogance, l’expertise et le prestige,
Parlent de « cognition valide perceptive[7] »
Tout en se taillant une place dans le ventre d’une bête[8].

Plutôt que t’attarder à d’infinis casse-têtes verbaux pendant l’étude,
Tranche les suppositions erronées quant au sens par la contemplation,
Et cultive les expériences par la méditation.

Si les trois aspects de la sagesse te sont étrangers[9],
Et que tu te contentes de patauger en méditation,
Tu finiras vraisemblablement parmi les animaux.

La logique infaillible des causes et effets
N’induira jamais en erreur ta connaissance critique[10],
Mais l’étude peut t’égarer dans des concepts,
Et la méditation peut te mener à des états dénués de perception[11].
L’apprentissage et la méditation, s’ils ne remédient pas aux kléshas,
Duperont ton esprit.
C’est pourquoi il te faut renoncer aux voies erronées.

Plonge dans le courant de la lignée orale,
Épanouis ton esprit avec les initiations qui mûrissent,
Et préserve tes samayas, le lien vital de la voie.

La dévotion est la tête de la méditation.
L’attention est le cœur de la méditation[12].
La diligence, les jambes de la méditation.
C’est ce qu’on dit ; tâche de le garder à l’esprit.

Tu n’atteindras jamais les niveaux des bodhisattvas à force de méditation entêtée
Déconnectée des voies de l’accumulation et de la purification.
Si, au fond de ton cœur, la foi et la dévotion n’émergent pas
En voyant ton maître comme le Bouddha en personne,
Alors ce sera comme pour le perroquet qui récite toutes sortes de choses
Sans dévotion : nulle bénédiction n’en ressortira.

Si on ne laisse pas infuser les bénédictions des prédécesseurs,
Souhaiter réaliser la présence éveillée atemporelle
Sera comme vouloir l’ensoleillement d’une grotte orientée au nord –
La grâce de la perspective éveillée ne pourra entrer.

Comme des vases pleins à ras bord de bénédictions,
Les nouveaux venus doivent s’inspirer de ceux qui les ont précédés.
Tout le reste – vagues saveurs de prétendues illuminations,
Expériences tourbillonnant comme les vents –
Est affaire de confusion ; examine ces « réalisations grandioses » [13], tu verras !

Ne pas mettre le doigt sur tes propres fautes, au fond de toi ;
Te perdre dans le jargon académique ;
Pontifier sur la grandeur de la philosophie –
Voilà qui corrompra ta sagesse, donc mieux vaut t’en passer.

En général, selon la tradition orale des maîtres du passé,
Il est absolument nécessaire
De contempler continuellement les points que tu as étudiés
Et de gagner de l’expérience en méditant le sens de tes contemplations.

Cependant, si tu te contentes d’espérer suivre leurs conseils,
Tout en te laissant séduire par tes pensées relatives aux huit trivialités[14]
Sans renverser les fixations au fond de toi,
Tu ne feras que te leurrer,
En pensant avoir rejoint les rangs des érudits et accomplis.

Fortunés sont ceux et celles qui méditent
En prenant pour plan de route sur la voie authentique
Les points clés des instructions profondes et vastes[15]
De l’illustre transmission des deux grands pionniers[16].

Si les voies et niveaux des bodhisattvas voient le jour dans ta réalisation[17],
Alors, sans te gonfler de satisfaction et de suffisance,
Laisse les traités authentiques et ton auto-analyse[18]
Éroder les kléshas dans ton continuum mental.
Si ton esprit porte alors les fruits
De l’amour, de la compassion et de la bodhicitta,
Tu prendras la même direction que les saints.

D’un autre côté, alors que la plupart des pratiquants se leurrent
Avec des pouvoirs psychiques, l’étalage de leurs accomplissements,
L’attachement à la gloire et les offrandes aux démons,
Tu devrais faire le point, en passant ta conscience au peigne fin.

Si tu domptes ton propre esprit, tu parviendras au raffinement.
Si tu tentes de dompter les autres, des conflits éclateront.
Il t’incombe d’être ton propre ami spirituel.
Reste toujours à l’affût de ton propre esprit
Avec présence, vigilance, et circonspection[19].
Suis le chemin de la liberté !

Ne fais pas tout un plat à propos d’un seul texte
D’instructions supposément orales.
Tous les textes canoniques sont des instructions.
Si tu ne comprends pas ce point, tu feras fausse route.
La pratique d’une personne devrait être basée
Sur la combinaison harmonieuse de tous les enseignements.

Courir après ce que disent les autres
Et maintenir l’esprit[20] dans une pratique embrouillée :
Ça ne sert à rien et ça t’enchaînera au saṃsāra.

Si l’on n’est pas imprégné de bodhicitta,
Tout saint Dharma dans lequel on s’investit stagne[21].
Si l’on n’est pas imprégné de la vue de la vacuité,
Toute pratique perpétue le saṃsāra.

Sans l’union des méthodes et de la sagesse,
Si tu mets la « simplicité » et la « non-acceptation » extrême[22]
Sur un beau piédestal, tu finiras par faire un gâchis
Des enseignements au niveau le plus fondamental.

Les thèmes de l’interdépendance et de l’absence d’existence inhérente
Sont en harmonie avec les deux vérités[23] ;
Donc, grâce à elles, tu peux acquérir sans difficulté la certitude
À l’égard de la perspective éveillée des bouddhas,
Sans corruption ni distorsion qui relèverait d’une contradiction.
C’est la voie qui plaît aux bouddhas – le noble chemin.

Les rutilants étalages des nobles écritures
Portant sur ce qui est vaste et profond[24],
Et les paroles de l’Omniscient Roi du Dharma[25],
Les Trois chariots et les Sept grands trésors
Si tu es en mesure de persévérer et d’y axer ton étude, ta contemplation et ta méditation,
Ce serait une erreur de faire quoi que ce soit d’autre.

Enfin, tant les discours futés et pédants
Que la culture transmise par les ignares[26]
Détourne-toi de ces concepts cancéreux[27],
Et n’aie rien à faire avec ces approches méprisables.

Écrit par Péma Lédrel en réponse à la requête du saint et diligent pratiquant Aka Nyima.


| Traduit en français par Vincent Thibault (2025) sur la base de la traduction anglaise de Joseph McClellan (2024, avec l’aide éditoriale de Ninjyed N.T.).


Bibliographie

Textes tibétains

mkhan po ngag dgaʼ. “skal mgon dang a ka nyi ma la gdams pa.” In gsung ʼbum ngag dbang dpal bzang, 2:175–180. Khreng tuʼu, nd. BDRC MW22946_CFA84F.

mkhan po ngag dgaʼ. gsung ʼbum kun mkhyen ngag gi dbang po, vol. 1, pp. 165–169. snga ʼgyur kaḥ thog bcu phrag rig mdzod chen moʼi dpe tshogs. Khreng tuʼu : Si khron mi rigs dpe skrun khang, 2017. BDRC W4CZ364088.

Références secondaires

Brunnhölzl, Karl. Gone Beyond, Volume One: The Prajñāparamitā sutras, The Ornament of Clear Realization, and Its Commentaries in the Tibetan Kagyü Tradition. Ithaca: Snow Lion, 2010.

Dalton, Jacob. “Lost and Found: A Fourteenth-Century Discussion of Then-Available Sources on gNubs chen sangs rgyas ye shes.” In Franz-Karl Ehrhard, ed., Bulletin of Tibetology (Special Issue, Nyingma Studies: Narrative and History) 49.1 (2013): pp. 39-54.

Jurkovic, Ratka. “Prayer to Ta pi hri tsa.” Revue d’Etudes Tibétaines, no. 16, April 2009.

Martin, Dan. A History of Buddhism in India and Tibet: An Expanded Version of the Dharma’s Origins Made by the Learned Scholar Deyu. Boston: Wisdom, 2022.

Yakherds, The. Knowing Illusion: Bringing a Tibetan Debate into Contemporary Discourse; Vol II; Translations. Oxford: Oxford University Press, 2021.


Version : 1.0-20250630


  1. Excepté la dernière syllabe, ce vers reflète le deuxième vers des Quatre cents stances, le fameux traité d’Āryadeva sur la philosophie du Madhyamaka. Dans le texte d’Āryadeva, la dernière syllabe est cing (« et »), alors qu’ici, on a pas (« parce que »).  ↩

  2. Ici, « for intérieur » traduit blo, l’un des nombreux termes dont dispose la langue tibétaine pour parler de l’esprit, termes qui doivent être traduits selon le contexte. En général, il dénote l’aspect de l’esprit qui juge, soupèse, analyse et oriente – le tout, de façon dualiste. Dans d’autres contextes, il est traduit par « intellect », « attitudes », « activité mentale », « intellection », « ratiocination », « esprit ou conscience ordinaire », ou tout autre synonyme qui renvoie à l’aspect actif de l’esprit fonctionnant dans un cadre sujet-objets. Aucune de ces traductions ne semblait convenir ici. En anglais, le traducteur a employé le mot soul, non pas au sens métaphysique d’une âme ou d’une essence personnelle permanente (ce qui est doctrinalement inadmissible dans le bouddhisme), mais simplement au sens familier de ce qui, en nous, réfléchit beaucoup et ressent les choses en profondeur.  ↩

  3. Dans la version originale de ce verset, les trois premiers vers sont numérotés : ils commencent respectivement par gcig, gnyis et gsum, c’est-à-dire un, deux et trois. Le traducteur vers l’anglais a préféré s’en passer, et nous l’avons suivi.  ↩

  4. chod : trancher, rompre, couper net, voire pourfendre ou juguler.  ↩

  5. L’auteur parle ici d’une retraite en montagne au cours de laquelle on maintient l’apparence d’une pratique spirituelle. La phrase est une contraction de l’expression mi tshe ri khrod la skyal ba, « passer sa vie dans un ermitage de montagne ».  ↩

  6. « Doctes » fait ici référence aux bshad grwa (shédra), les collèges philosophiques monastiques. En français, nous avons aussi pensé à « académiciens ». Un guéshé est un érudit (souvent de la tradition guéloug) qui a terminé ses études ou qui enseigne dans une telle école. L’expression tibétaine utilisée dans ce vers est un peu l’équivalent de « crânes d’œuf ».  ↩

  7. La « perception directe » (mngon sum tshad ma) est une catégorie importante dans l’approche indo-tibétaine de l’épistémologie – un domaine appelé « connaissance (ou cognition) valide » (pramāna, en sanskrit). C’est l’un des sujets les plus difficiles et les plus analytiques des cursus. Si le terme mngon sum tshad ma correspond à peu près à « empirisme », nous avons ici opté pour une traduction littérale un brin maladroite et ampoulée, puisque Khenpo Ngaga fait la satire des esprits universitaires arides qui obsèdent sur les mots et les théories au détriment de l’entraînement spirituel authentique.  ↩

  8. Ici, « place » traduit 'jug pa, « entrée ».  ↩

  9. « Les trois aspects de la sagesse » (shes rab rnam pa gsum), ou parfois simplement « les trois sagesses » (shes rab gsum) : celles issues de l’étude, de la contemplation et de la méditation.  ↩

  10. Ces vers semblent faire preuve d’ironie. Dans celui-ci, l’auteur dit que la logique est irréfutable dans le contexte du développement de la « connaissance critique », ou plus littéralement, des « objets d’évaluation » (gzhal bya), un terme important en épistémologie. Dans le vers suivant, cependant, il mentionne clairement que l’étude peut nous égarer. Il n’y a pas de conjonction de coordination entre ces deux vers, mais nous avons suivi le traducteur vers l’anglais, qui ajoutait but (« mais »), pour plus de clarté.  ↩

  11. La méditation « dénuée de perception » ('du shes med pa) est le type de méditation à laquelle s’adonnent les dieux non éveillés et certains adeptes non bouddhistes. Le propos de Khenpo Ngaga, comme quoi l’intellectualisation excessive produit ce genre de méditation, peut se comprendre à la lumière de cette citation de l’érudit sakyapa Taktsang Lotsawa Shérab Rinchen (1357–1419) : « Ceux qui – sur la base d’une vacuité (se ramenant à une) négation logique, d’une vacuité partielle, ou d’un ultime figuratif – refusent qu’il faille s’y entraîner, font fi de tous les principes exposés de façon si élaborée dans le deuxième contexte des enseignements. Ils peuvent prétendre méditer et ne penser à rien du tout, mais cela n’affaiblira pas le fait que leur esprit se cramponne aux choses comme si elles étaient pourvues d’un soi. Ce genre de méditation ne sera certainement qu’un équivalent de l’équilibre méditatif dénué de perception. » (Yakherds, Knowing Illusion, 64). Dans ce vers et le précédent, Khenpo Ngaga n’adopte pas une position anti-intellect ou anti-méditation ; il parle uniquement des études et méditations déficientes, au sens exprimé dans ces conseils.  ↩

  12. « Le cœur » traduit ici snying rdo, « la pierre du cœur ». rdo (« pierre ») peut parfois évoquer une « essence ». « Cœur » nous semblait suffire en français, compte tenu de son sens figuré ; c’est aussi que la triade formée par le vers qui précède et celui qui suit semblait ainsi plus équilibrée.  ↩

  13. « Grandioses » et les guillemets taquins qui l’accompagnent visent ici à rendre mtho sgros (« mots/paroles/manières » + « élevés »). Peut-être pourrions-nous parler, sourire en coin, de « haute voltige ».  ↩

  14. Aussi appelés « les huit préoccupations mondaines » ou encore, « les huit dharmas mondains » : le fait d’être motivé par le gain et la perte, le confort et l’inconfort, les éloges et les critiques, la renommée et l’anonymat.  ↩

  15. Référence aux « deux traditions exégétiques » selon lesquelles sont classés les traités du Mahāyāna. « Profonde » fait ici référence à la voie de la profonde vue de la vacuité inspirée par le bodhisattva Mañjuśrī et développée et transmise par Nāgārjuna et les philosophes du Madhyamaka. « Vaste » fait référence à la voie de la vaste conduite enseignée par Maitreya à Asaṅga et poursuivie par les activités de Vasubandhu, Dignāga et d’importants logiciens et philosophes du Cittamātra.  ↩

  16. Nāgārjuna et Asaṅga. Le terme shing rta est parfois traduit par « chars » ou « chariots ». Quand il fait référence à une personne, on imagine plutôt quelqu’un qui ouvre la voie et nous y guide. Quelques variantes : pionnier, timonier, champion, capitaine.  ↩

  17. « Voir le jour dans la réalisation » est une traduction approximative du terme technique mngon rtogs (abhisamaya), qui est généralement traduit par « claire réalisation ». « Abhisamaya » fait partie du titre de ce qui est sans doute le texte le plus important sur les voies et niveaux des bodhisattvas, l’Abhisamayālaṃkāra de Maitreya, révélé par Asaṅga. Karl Brunnhölzl explique ce terme de la façon suivante : « Le terme sanskrit abhisamaya est constitué des préfixes abhi (“vers”) et sam (“ensemble”, “pleinement”), et de la racine verbale i (“aller”, “comprendre”). Les sens généraux sont donc “aller ensemble”, “réunion”, “entente”, “pleine compréhension”. En tant que terme technique bouddhiste, il fait référence à la claire réalisation ou à la connaissance parfaite de la réalité spirituelle suprême, ce qui indique les moments sur la voie où l’esprit du méditant en tant que sujet fusionne totalement avec son objet et où “tout s’éclaire” ou “tout se met en place”. En fait, dans les commentaires indiens et tibétains, abhisamaya est souvent interprété comme “voie” (mārga). Dans le bouddhisme, ça signifie l’esprit alors qu’il progresse dans ses compréhensions spirituelles, vers la libération du samsara et l’éveil, le principal facteur dans ce processus étant la prajñā. En outre, l’Abhidharmakośabhāṣya explique le terme de cette façon : “Quelle est la signification de la claire réalisation (abhisamaya) ? C’est une perception claire et véritable (abhisambodha). Pourquoi est-elle uniquement non contaminée, mais pas contaminée ? C’est la véritable (sam/samyak) réalisation (aya) qui est dirigée vers (abhi) le nirvana, ‘véritable’ (faisant ici référence) à la vraie réalité (tattva).” » (Brunnhölzl, Gone Beyond, 47–8).  ↩

  18. « Auto-analyse » est une traduction timide (et inspirée de l’anglais self-analysis) du terme obscur zhu tig. Sur les usages de ce terme, voir Dalton 2013, 49 (« editing ») et Martin, 624 : « (…) un terme qu’on rencontre quelques fois dans des colophons canoniques… Il pourrait signifier “des corrections apportées à la traduction” ou “la révision finale”. Peut-être s’apparente-t-il à zhu gtug (“poursuivre en justice” ou “intenter un procès”). »  ↩

  19. Dans ce vers, « présence » traduit dran pa, communément traduit en anglais par mindfulness. On aurait aussi pu parler d’attention.  ↩

  20. « Maintenir l’esprit » (sems 'dzin) est un terme technique utilisé dans une gamme de pratiques de la tradition de la Grande Perfection. Selon Ratka Jurkovic, « Dans le Dzogchen, la pratique du zhi gnas ou śamatā (sic) représente un aspect des pratiques dites semdzin (sems 'dzin) qui visent à fixer l’esprit, par exemple sur la lettre tibétaine A blanche. À l’aide d’une telle pratique, on atteint un état de calme et l’esprit se concentre. Toutefois, il ne s’agit pas de l’état naturel ou de la présence éveillée (rig pa), mais seulement d’une création de l’esprit. Dans cet état, quand une pensée survient, on devrait l’observer (la pensée devient donc l’objet de l’observation) et, sans tenter de la changer, inspecter sa couleur, sa forme, son point d’origine, déterminer si elle vient de l’intérieur ou de l’extérieur du corps, etc. Après quoi, on regarde l’esprit et l’on examine qui est l’observateur observant réellement la pensée, et où il se trouve… Vient un moment où l’on ne peut séparer l’observateur et l’objet observé, puisqu’ils sont d’une même nature – et c’est le point de reconnaissance de la nature de l’esprit (c’est-à-dire l’état indicible). » (Jurkovic, “Prayer to Ta pi hri tsa,” 28n114).  ↩

  21. « Stagne » traduit nar gda', une expression décrivant quelque chose qui s’éternise – quelque chose de vain, inutile, ou inefficace.  ↩

  22. « Simplicité » (spros bral) et « non-acceptation » (khas len med pa'i mtha') sont des termes importants en philosophie du Madhyamaka. On les traduit le plus souvent dans leur forme longue (« affranchissement des élaborations conceptuelles » et « absence de thèse »). Ce sont des termes profonds qu’un pratiquant aspire à comprendre, mais ici, l’auteur souligne le risque de les comprendre de façon superficielle.  ↩

  23. L’interdépendance (rten 'brel), l’absence d’existence inhérente (rang bzhin med pa) et les deux vérités (bden gnyis) sont des thèmes importants de la philosophie du Madhyamaka.  ↩

  24. « Profond » et « vaste » ont les mêmes connotations que précédemment (voir la note 15).  ↩

  25. C’est-à-dire Longchen Rabjam.  ↩

  26. « Culture » traduit ici snyan brgyud, qui signifie littéralement « lignée orale ». Comme l’auteur ne pointe pas du doigt une lignée spécifique, le traducteur anglais a utilisé ce terme plus général de « culture » pour évoquer l’ensemble des idées ineptes mises de l’avant par des gens non qualifiés.  ↩

  27. Ce verset varie légèrement d’une édition à l’autre. Dans la plus récente, l’avant-dernier vers lit rnam rtog spros pa phyir chod pas, la phrase verbale étant phyir chod pa, qui pourrait avoir le sens de « retourner » (turn back on, dit le traducteur anglais), ou peut-être « se détourner de ». Cependant, dans l’édition umé, plus ancienne, le verbe est soit mchod pa (« offrir » ou « honorer », ou peut-être « permettre ») ou mched pa (« répandre » ou « multiplier »). Dans ce cas, le verset pourrait se lire ainsi : « Enfin, comme les discours futés et pédants/Et la culture transmise par les ignares/Font se répandre les concepts cancéreux,/N’aies rien à voir avec ces approches méprisables. » Enfin, « concepts cancéreux » rend ici rnam rtog (« concepts » ou « pensées ») + spros pa (« qui prolifèrent »). Nous avons opté pour « cancéreux » pour sa connotation négative et l’allitération.  ↩

Khenchen Ngawang Palzang

Khenchen Ngawang Palzang

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