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ISSN 2753-4812
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L’histoire de Bhikṣuṇī Fa Kong du mont Wutai

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L’histoire de Bhikṣuṇī Fa Kong du mont Wutai

extraite du Grand trésor dharmique des ḍākinī

Vers le milieu de la dynastie des Tang (618–907) vivait une bhikṣuṇī nommée Fa Kong. Imprégnée de la plus ardente dévotion, elle rendait constamment hommage au Bouddha. Sa famille, les Fa Gong, était d’origine han. Ils venaient d’un lieu appelé Jianzhou[1], dans ce qui correspond aujourd’hui à la province d’Anhui.

Dès son jeune âge, Fa Kong ressentit une immense foi dans les Trois Joyaux, et elle quitta très tôt sa famille et ses amis pour se rendre au monastère de Chan’an[2], où elle prit les vœux de novice, puis l’ordination complète. Ce monastère était situé à environ cent kilomètres au sud-ouest du Wutai Shan. Sur le chemin, elle endura des centaines d’épreuves.

Là-bas, pendant quarante ou cinquante ans, elle récita sans cesse le Sūtra du Lotus, et fit toujours preuve d’une grande probité, tenant à ses vœux de Vinaya comme à la prunelle de ses yeux. Malgré tout, quand elle s’examinait, elle trouvait toujours des obscurcissements. Même si elle comprenait tous les sens du Sūtra du Lotus, elle réalisa qu’elle ne les mettait pas correctement en pratique.

Un jour, elle entendit parler d’un bhikṣu appelé Ta Tsa[3], du monastère de Ha Yen[4] au mont Wutai. Pendant vingt ans, il avait pratiqué des austérités pour le Dharma. À un moment, il frôla la mort, quand soudain, maints sublimes présages se déployèrent. Sans quitter son corps[5], il se rendit à la terre pure de Tuṣiṭa, où il rencontra le Régent Maitreya en personne. Maitreya lui dit :

« Dans le monde humain, tu n’as pas accompli de vertus remarquables. En principe, tu n’as rien à faire ici. C’est uniquement grâce au pouvoir des aspirations d’Ārya Mañjuśrī que tu as pu arriver ici. Il te faut donc retourner dans le monde humain et célébrer les qualités d’Ārya Mañjuśrī. »

Quand Bhikṣuṇī Fa Kong apprit que cet homme habitait au Wutai Shan, elle décida de se rendre au monastère de Ha Yen avec sa sœur cadette, qui avait aussi pris les vœux monastiques un mois plus tôt. Pendant leur périple, elle pria Ārya Mañjuśrī de tout son cœur, sans distraction. Les deux sœurs arrivèrent au Wutai Shan en l’an 809, et elles y firent un circuit de pèlerinage.

Dans un bosquet où se trouvaient trois fontaines d’eau, au nord-ouest du monastère de Ha Yen, elles rencontrèrent un vieil homme. Celui-ci dit à Fa Kong, « Tu fais là une excellente chose ; et ce lieu est excellent. Reste ici et pratique : tu parviendras définitivement au résultat. » Puis, il disparut.

Reconnaissant que ce vieil homme n’était autre qu’Ārya Mañjuśrī, elle pleura, agitée par une dévotion intense. Sous l’influence de la compassion d’Ārya Mañjuśrī, elle ressentit elle-même une compassion sans borne envers tous les êtres. Sous l’effet de cette compassion, tous ses actes négatifs et obscurcissements furent purifiés, et son corps et son esprit s’emplirent de félicité.

Elle érigea sur place une petite paillotte et y vécut en se contentant du strict minimum, pratiquant assidûment, jour et nuit.

Le vingt-cinquième jour du douzième mois de l’an 813, elle fit don de ses robes et de ses quelques possessions, et s’adressa à ses disciples :

« Toute ma vie, j’ai récité le Sūtra du Lotus, et j’en ai maintenant réalisé le sens. Il est temps pour moi de me rendre sur la terre pure. Quant à vous tous, je vous en prie : ne gaspillez pas les libertés et avantages de cette vie ; consacrez-vous au bien. »

Les disciples s’exclamèrent, « Chère guru, vous êtes toujours en bonne santé. Pourquoi parlez-vous de la sorte ? »

Sans répondre, Bhikṣuṇī Fa Kong croisa les jambes, redressa sa colonne, et mourut.

Après la crémation, les disciples trouvèrent parmi ses restes plus d’un millier de reliques, qui amplifièrent considérablement le courant de leur foi.

Cette histoire fut traduite en tibétain, à partir de sources chinoises, par Khenmo Dawa Drolma.


| Traduit en français par Vincent Thibault (2025) sur la base de la version anglaise de Joseph McClellan (2025).


Bibliographie

Source tibétaine

mkhan mo zla ba srol ma. "nas mchog ri bo rtse lnga'i dge slong ma hpa khong." In mkha' gro chos mdzod chen mo, vol. 8, Bod ljongs bod yig dpe rnying dpe skrun khang, 2017, pp. 311–313. BDRC MW3CN2459_659029.


Version : 1.0-20250908


  1. byan gros. La translitération est incertaine, puisque nous n’avons pu localiser ce lieu.  ↩

  2. can an dgon.  ↩

  3. ta tsha.  ↩

  4. dpa' yen. En temps normal, ces syllabes se prononceraient « Pa Yen » ; néanmoins, on trouve plus loin l’épellation ha yen, alors qu’on semble parler du même monastère. En outre, dans la région de Golok-Serta, entourant Laroung Gar où habitait Khenmo Dawa Drolma, la prononciation des lettres pa et pha se rapproche souvent de ha et hua.  ↩

  5. « Sans quitter son corps » est une traduction littérale de lus ma spangs par. L’expression implique sans doute qu’il n’a pas démontré les signes de mort, comme la cessation du pouls et de la respiration, ce qui est typiquement le cas des « revenants » ou déloks, dont on dit qu’ils quittent temporairement leur corps pour visiter les bardos et d’autres domaines.  ↩

Khenmo Dawa Drolma

Mañjuśrī

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